Pour un progrès de la dignité de l’espèce humaine en matière de propreté de la planète Terre

par François TARD

mousson

Nous sommes priés de laisser à nos enfants une Terre dans un état de propreté au moins égal à celui que nous avons trouvé en arrivant.

Imbue d’individualisme, d’anthropocentrisme, d’espécisme et de consumérisme, l’Humanité va-t-elle périr engloutie par les déjections de son activité, entraînant le monde du Vivant dans sa chute ?



Une croissance démographique dérégulée

Au XXe siècle, à partir des années 50, on assiste à une accélération importante de la croissance démographique de l’humanité. On peut même parler d’explosion démographique.

Une croissance économique effrénée

L’American way of life, ou mode de vie américain, se réfère généralement au mode de vie du peuple des États-Unis. Il sert plus ou moins de modèle aux autres peuples de la planète, qui aspirent à jouir de toujours plus de biens et de services. Si la population mondiale accédait au mode de vie américain, il faudrait additionner les ressources de quatre planètes Terre pour satisfaire ses besoins. La croissance de la production des biens et services ne répond pas seulement aux aspirations de chaque citoyen contaminé par une addiction au consumérisme : elle constitue un moteur considéré comme indispensable à la bonne marche des économies. Stagnation = chômage de masse. Pas de résorption du chômage sans un minimum de croissance.

Pour peu que l’organisation financière mondiale génère une demande solvable adéquate, le travail est illimité car les besoins sont illimités : qui ne rêve de posséder une longévité hors normes, trois maisons, un avion, un bateau de plaisance, un parc de voitures, un haras, poste de télévision 3D dans chaque pièce, des voyages sur les mers et dans la stratosphère, des robots domestiques, une garde-robe pléthorique, etc.

Une croissance de la production boostée par l’automation

L'automation industrielle est le recours à «une technique qui assure le fonctionnement d'une machine ou d'un groupe de machine sans intervention humaine». En d'autres termes, l'automation vise à «substituer» une machine à l'homme. Souvent associée à la robotisation, l'automation utilise des outils numériques (ordinateurs) et des automates programmables industriels pour guider et donner des informations aux machines.

Une croissance exponentielle des déchets

Or, nous vivons dans une société dans laquelle l’individu est avant tout un consommateur qui passe son temps à acheter des objets superflus qui finissent par nuire à sa propre qualité de vie en le rendant esclave des biens ma-tériels. Sous le signe de la croissance démographique et consumériste, l’activité humaine brille par la conception d’objets le plus souvent superfétatoires, voire fabriqués exprès pour ne pas faire long feu et être bientôt remplacés (il s’agit de l’« obsolescence programmée »). Si les dé-chets ne sont pas recyclés, la production en croissance géométrique d’artefacts se traduit automatiquement par une production exponentielle de déchets de toutes natures, solides, liquides ou gazeux, parce qu’il y a un effet cumulatif : 500 canettes par personne et par an, cela fait 30 000 canettes dans une vie d’homme.

Une inventivité qui accroît la liste des déchets

Ces déchets sont inconsidérément amoncelés sur des décharges, à l’air libre ou souterraines, de plus en plus envahissantes des cours d’eau et océans, de l’air et même de l’espace. La liste des déjections, immondices et autres déchets s’accroît au même rythme que l’inventivité technologique : emballages non recyclables (barquettes en polystyrène, sacs plastique...), verre non recyclable, médica-ments, seringues, déchets toxiques (produits de bricolage, mercure, bouteille de gaz), CO2 et méthane, batteries et huiles de vidange, objets encombrants, gravats, amiante, déchets d’équipements électriques et électroniques, lampes, piles et accumulateurs, vêtements et accessoires, cartouches d’imprimante, résidus des mines d'uranium, sous-produits de son enrichissement, déchets ra-dioactifs de la production électronucléaire, déchets du démantèlement des installations nucléaires, déchets de la recherche, maté-riaux provenant des missiles ou des véhicules spatiaux avant ou après leur entrée dans l’atmosphère, etc.

Le réchauffement climatique ne constitue pas la seule menace à court terme

Quelques exemples : l’extinction des abeilles due aux pesticides (d’où la menace d’extinction de la plupart des arbres et plantes), la stérilisation des sols arables et la pollution des nappes phréatiques dues à la percolation (passage à travers les couches géologiques de l’eau imprégnée de produits chimiques), la destruction de la faune marine par les déchets plastiques. Pour le grand public et les citadins en particulier, toutes ces menaces passent inaperçues parce que les symptômes n’en sont pas visibles et parce que les médias n’en parlent pas, ou si peu. Développons l’exemple du «septième continent», ce vortex de déchets plastiques dont aujourd’hui, rien que dans l’Océan Pacifique, la superficie dépasse les 3,5 millions de km2. Ces déchets ont une longévité qui peut atteindre plusieurs centaines d'années ; au fil du temps, ils se désagrègent sans que leur structure moléculaire change d'un iota. C'est ainsi qu'apparaissent des quantités colossales d'une sorte de « sable de plastique » qui, pour les animaux, a toutes les apparences de la nourriture. Ces plastiques, impossibles à digérer et difficiles à éliminer, s'accumulent ainsi dans les estomacs des poissons, des méduses, des tortues et oiseaux marins. Ces débris de plastique agissent comme des éponges, fixant des polluants organiques persistants dans des proportions plusieurs millions de fois supé-rieures à la normale, comme le DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane, un pesticide). Les effets en cascade peuvent s'étendre et toucher l'homme, via la chaîne alimentaire par le phénomène de bioaccumulation. Green-peace estime qu'à l'échelle de la Terre, environ un million d'oiseaux et cent mille mammifères marins meurent chaque année de l'ingestion de plastiques. Au total, plus de 267 espèces marines seraient affectées par cet amas colossal de déchets (Wikipédia).

Le salut du monde du Vivant exige une révolution culturelle

Le monde du Vivant va dépérir, périr et renaître sous des formes imprévisibles si l’humanité ne met pas fin à très brève échéance à sa folie. L’histoire des batailles perdues se résume en deux petits mots, «trop tard !», et il est beaucoup plus tard que ne croient généralement les hommes. Perdant toute dignité, l’Humanité souffre manifestement d’individualisme, d’anthropocentrisme, d’espécisme et de consumérisme. Son aveuglement transforme en train d’enfer que personne ne semble plus être en mesure de contrôler les progrès pourtant admirables de la science et de la technologie. La honte qui pèse sur les sociétés humaines soi-disant les plus évoluées tient dans le fait que plus on est riche, plus on jette.

La faute originelle tient dans ce dualisme viscéral qui remonte aux temps les plus reculés et met en cause les racines gréco-judéo-chrétiennes du «monde occidental»: l’Homme se croit en dehors et au-dessus de la Nature. Une Nature censée lui appartenir et dont il pourrait user et abuser sans vergogne. Or , celle-ci ne lui appartient pas : c’est lui qui appartient à la Nature. Son esprit est comme une noix sèche et racornie s’il ne la respecte ni ne l’aime. L’émerveillement devant l’intelligence et la beauté de la Nature et plus encore l’amour du monde du Vivant dans toute son infinie variété constituent le passage obligé de toute dignité et de toute forme de spiritualité. On trouve sur les continents africain et américain des cultures animistes, considérées péjorativement comme primitives. Elles témoignent pourtant d’un respect sans faille porté au monde du Vivant et d’une étonnante faculté de communiquer avec l’esprit des êtres dans les mondes animal, végétal et minéral, quand nous en sommes encore à reconnaître avec condescendance à certaines espèces animales la faculté d’être dotées d’une sensibilité.

Rêvons un peu

Le rêve est destiné à devenir réalité, dirait André Breton...
– Révolution culturelle : adoption par l’O.N.U. d’une Déclaration universelle des droits et devoirs de l’homme vis-à-vis du monde du Vivant et des générations à venir.
– Révolution constitutionnelle : création d’instances mondiales et nationales dont les sages sont mandatés pour des périodes longues afin de veiller sur la politique, les structures et les moyens propres à assurer le long terme (ce que ne favorise pas la brièveté des mandats électoraux au sein des démocraties). Pénalisation du lobbying et, en particulier, mise au pas des grandes firmes multinationales de l’agro-alimentaires et de la chimie.
– Réforme mondiale de l’Éducation nationale, rebaptisée en France Instruction publique. Cette institution compte parmi ses principales missions l’enseignement des «sciences naturelles» et vise à inculquer l’amour du monde du Vivant. Débarrassée de ses scories politiciennes, l’écologie est rétablie dans son statut de science pure et simple des relations des espèces vivantes entre elles et avec leur milieu ambiant.
– Généralisation à tous les pays de l’expérience Let’s Do It menée en Estonie : le 3 mai 2008, 50 000 personnes ont creusé dans les décharges et ramassé 10 000 tonnes de déchets. Ce qui aurait pris trois ans et 22,5 millions d'euros au gouvernement n’a pris cinq heures et n'a coûté qu'un demi-million. Toute l'Estonie s'est libérée de ses déchets. Depuis que la campagne a été lancée en 2008, les décharges sauvages ont diminué de 75% dans le pays. La campagne Let’s Do It se limite pas à l’Estonie. Le mouvement s'est propagé à plus de 94 pays utilisant le même modèle. 2012 Nettoyage du monde est maintenant en cours dans plusieurs pays. L'Ukraine a tenu sa deuxième campagne de nettoyage le 28 avril. Le 29, les bénévoles ont travaillé pour débarrasser la Grèce de ses déchets de construction. A Malte, la campagne a eu lieu le 1er mai. Le 12, des campagnes de collecte des déchets et de décharges sauvages en une seule journée ont été organisées en Moldavie, en Roumanie, en Bulgarie et jusqu’en République démocratique du Congo. Et la France ??? Il y a de quoi faire travailler non seulement des bénévoles doté par ailleurs d’un emploi, mais encore ceux des chômeurs qui souffrent de se sentir inutiles et qui pensent que tout salaire mérite travail.
– Promotion rapide et efficiente d’une économie circulaire élaborant et mettant en oeuvre des préconisations pour toutes les filières de recyclage des déchets.
– Création de filières d’apprentissage et d’enseignement supérieur permettant de créer de nombreux emplois liés au fonctionnement de l’économie circulaire. L’économie circulaire a pou objectif de produire des biens et des services tout en limitant fortement la consommation et le gaspillage des matières premières, et des sources d’énergie non renouvelables.
- Diffusion annuelle auprès des administrations, collectivités locales, entreprises et particuliers de brochures, générales ou spécifiques, délivrant des instructions pour le tri et la collecte de tous les déchets quels qu’ils soient (actuellement, les acteurs de la vie économique sont livrés à eux-mêmes et se trouvent sous-informés quant à la destination à donner à toutes sortes de déchets, dont les plus dangereux).

François TARD

Président de la commission culture

La tribune du progrès : N°58 Mars 2016