En hommage à mon ami René CHAPEAU

par René Arléry

R_CHAPEAU Né le 25 mai 1944 dans une famille modeste, il finance lui-même ses études, par son travail.
- Pilote de Ligne Avion et Hélicoptère
- Commandant de bord Boeing 747-400 _ Cadre ® de la Cie Air France
- Ancien président du S.S.N.A.M.
Il a été également :
- Vice-président des Ailes Brisées - Vice-président de la S.E.P.
- Président de la Commission Aviation Humanitaire et de Solidarité de l’AéCF
- Membre du TOMATO et de diverses Associations Aéronautiques.
- Membre du Comité National de l’ANORAA - Membre du Secteur des Hauts de Seine.
- Auditeur IHEDN - COL de l’Armée de l’Air - LH, ONM, MA, MHA, SMV (Or), TRN
- Médaille d’or de la SEP - 2 séjours en OPEX (Yougoslavie), 2 citations


La rencontre

groupe J’ai connu René au cours d’une réunion du Secteur 14/2 de l’ANORAA, au début des années 70. Je venais de rejoindre cette Association après avoir été affecté à la SAT (Sections Aériennes du Territoire) de Quimper (basée à Tours). René était Commandant de la SAT d'Evreux et m'avait longuement parlé des SAT.
Nous avons sympathisé. En fait, nous avons vite découvert que nous avions 2 Saints en commun :
Saint René, évidemment et… Saint-Emilion, qui nous a souvent accompagné dans nos petites sorties festives !
Nos "carrières" militaires ont évolué de concert.
De son côté, René a occupé, dans l’Armée de l’Air, des postes à haute responsabilité. Officier de Réserve Adjoint au Général Commandant le Transport Aérien Militaire (Le Général René Perret était, à ce moment-là, à la tête de ce Grand Commandement). Puis, ensuite, Officier de Réserve adjoint au Directeur du Personnel Militaire de l’Armée de l’Air, avec… le même Chef.
Parallèlement, René Chapeau occupait à Air France le poste de Conseiller Défense. Rappelons que, pendant la "Guerre du Golfe", René avait été volontaire pour remplir des missions pour l'Armée de l'Air, sous-traitées à Air France. Il s'agissait de livrer, en 747 Cargo, des bidons pour les avions, Mirages et Jaguar, que nous avions déployés sur Zone.
Le fait d’avoir "un pied de chaque côté de la rivière", et d'avoir pour interlocuteur le Général René Perret, son chef militaire, a permis de faire avancer rapidement la convention qui fut ensuite signée entre Air France et l’Armée de l’Air pour réguler le passage des pilotes militaires au secteur civil.
Rappelons aussi que le Général de Corps Aérien René Perret était Président des « Ailes Brisées » dont René était administrateur. Le Général, après sa carrière militaire, a occupé le poste de Conseiller Défense auprès du Président de la Compagnie Air France.
Vous comprenez pourquoi on parle de "Famille" Aéronautique !

La période "hélicoptère"

Nous avons, dans les années 70, découvert l’hélicoptère à peu près en même temps; nouveau point de rapprochement mais, bien sûr, pas tout à fait au même niveau !
Il a été Pilote de Ligne Hélicoptère, instructeur, testeur, alors que je suis resté un petit Pilote Privé ! Mais j’ai eu l’avantage d’avoir, sous la main, un excellent instructeur et surtout un testeur attitré pour mes renouvellements de licence !
Quelques anecdotes de notre période hélicoptère :
hélicoptère Nous partions d’Issy-les-Moulineaux, en BELL 47, pour aller déjeuner aux Vaux de Cernay. Les pleins avaient été faits et à ce moment-là, il y avait près de 2,4 quintaux de "viande sur pieds" à bord, plus le plein d'essence.
Arrivés au niveau de la Seine, le contrôleur nous a interrogé : Vous êtes bien bas… Un problème ?....
La réponse de René : Tout est sous contrôle, peut-être un peu lourd, on fait ce que l’on peut….
Nous avons eu moins de chance avec le Robinson R22. Après lecture de la notice, nous avons conclu que c’était nous ou l’essence, en fait, nous n’avons jamais pu décoller ! Alors nous sommes allés au restaurant en voiture !
René a même volé, comme réserviste, au "Parisis", à Villacoublay, pendant un salon Aéronautique, sur la version militaire biturbines de l'ECUREUIL, le "FENNEC", transportant les VIP de Villa vers Le Bourget.

Tout se partage

Pilote de Ligne Hélicoptère, René effectuait bénévolement du travail aérien pour une société qui, en retour, lui accordait des conditions spéciales pour la location d’un Ecureuil. Toujours généreux, il en faisait profiter les amis !
En ECUREUIL, nous avons emmené nos épouses aux Vaux de Cernay, au Château d’Artigny, sur les bords de Loire, au Touquet, à Saint Valéry en Caux. Quels beaux voyages !
Chose amusante, à Saint Valéry en Caux, dans le restaurant, sur le terrain, il y avait un mariage et René, toujours généreux, a offert un baptême en hélicoptère aux jeunes mariés, leur faisant découvrir leur ferme depuis le ciel !
Cette générosité, je l’ai vu s’exercer une autre fois, à Palavas les Flots. René et Evelyne, sa charmante épouse, étaient avec nous et nous sommes allés diner au bord de la Mer. Ce n’était pas la pleine saison et il y avait peu de monde. Une table près de nous était occupée par un couple de jeunes, jeunes mariés, qui n’avaient visiblement pas la pratique des restaurants bourgeois ! Ils ont commandé une langouste sans s’apercevoir que le prix indiqué sur le menu s’appliquait à chaque 100 g de ce délicieux crustacé. La fin du repas aurait été bien triste pour ce jeune couple sans l’intervention providentielle de René, changé en mécène des deux tourtereaux.
coqpit Dans les années 80, René souhaitait que son fils Alexandre, suive ses traces et devienne Pilote de ligne. Ma fille Hélène était à l’époque hôtesse de l’air chez AOM. Elle n’avait pas pu être pilote professionnel à cause d’un problème de vue. La règlementation venait de changer et la licence professionnelle lui devenait accessible.
René a alors repris du service comme instructeur et leur a fait travailler les examens théoriques aussi bien du Brevet de Pilote Professionnel que de l’IFR théorique, en leur communiquant au passage quelques moyens mnémotechniques résultant de l’instruction délivrée dans sa Compagnie.
Hélène a pu passer le brevet de pilote professionnel et la qualification IFR sans aucun problème, en impressionnant son testeur (Pilote de Ligne dans notre compagnie nationale) à qui elle a "sorti" des expressions qui venaient directement d'Air France comme la Règle des 3 « B » :
Vous savez, réflexe panne : Bêtise, Breaker, Bouquins !

Hélène En plus des cours théoriques, aux heures creuses du simulateur 747, Hélène avait même droit à des travaux pratiques…
Je me souviens aussi de quelques vols effectués "en ligne" alors que René était Commandant de Bord.
... « ROYAL » ! ....
En particulier un retour de TAHITI avec mon épouse, en première classe, en fait cette fois-là nous avions fait l’aller avec René et il nous avait confiés à l’un de ses collègues pour le retour. C’était la nuit du « passage à l’an 2000 ». Vous vous souvenez, ce devait être l’apocalypse : Je ne sais pour quelle raison obscure, les ordinateurs allaient forcément se planter et entrainer une belle pagaille...
Le fait est que, cette nuit-là, les taux de remplissage des avions étaient bien faibles. Dans notre avion, personne en première classe sauf les familles du pilote, des OPL et du Chef de Cabine… et nous ! Plus de personnel que de voyageurs. Quelle ambiance ! Une vraie Fête !
Isabelle, sa co-pilote du moment, m’a raconté le retour de Tahiti à Los Angeles qui lui a valu la perte de sa licence de vol :
Il avait un contrôle en ligne avec un testeur qui s’est montré "peu sympathique" alors que René accumulait les problèmes. D'abord, il y a eu un décès dans l'avion (arrêt cardiaque d'un passager) avec tous les problèmes que cela pose à bord, puis quelques problèmes techniques sur l'avion. Puis, à Los Angeles, la consigne de l'équipage à bord jusqu'à l'arrivée du "Coroner". Négociations pour faire libérer l'équipage, puis le testeur qui continuait à poser des questions dans le taxi jusqu'à l'hôtel !... Tout cela pour lire dans son rapport de contrôle : « devrait perdre quelques kilos ou changer de costume ! » Il est vrai que sa veste ne fermait plus !
C’est en passant la visite d’admission en cure que l’on a découvert un anévrisme de l’aorte de 6 cm à la sortie du cœur….
De quoi démoraliser les plus solides... Eh bien non, René, ayant gardé son aptitude militaire, est parti en OPEX au Kosovo !
La maladie d’Evelyne a été un très gros choc pour René et sa disparition un vrai coup de massue. Je pense sincèrement que ce fut un déclencheur pour sa propre maladie…
J’ai évoqué nos activités au sein de l’ANORAA et des réserves de l’armée de l’air ainsi que nos balades en hélicoptère, mais pour être complet, il faudrait aussi évoquer les autres associations que nous fréquentions :
René m’a fait connaitre le Club Richelieu International, fédération de clubs RICHELIEU locaux de tous les pays de langue Française, je suis devenu trésorier du Club Paris-Neuilly. Ce club service, comme le "Lions" ou le "Rotary", créé après la guerre par des Canadiens Français, a aujourd'hui pour objectif de défendre la langue et la culture Française.
Il m’a également montré le chemin de l’association des Vielles Tiges qui avait, à l’époque, son siège à l’Orée du Bois. Je l’ai, à mon tour, parrainé au TOMATO ou nous avons, ensuite, entrainé quelques amis.
Il m’a fait connaître la Société d’Encouragement au Progrès, présidée alors par Pierre Chanoine-Martiel qui a été le pilote du premier vol commercial du Concorde à Air France et nous avons tous les deux reçu la Médaille d’Or de cette association dont nous sommes devenus membres du Conseil d’Administration.
marché René était président de la Commission Aviation Humanitaire et de Solidarité de l’Aéro-Club de France, il m'y a entraîné et j'en suis devenu le président après Marcel Poulet.
Nous avons découvert ensemble la Popote des Ailes, par le canal des Vielles Tiges. Raymond de Philip, ancien d’Air France, était président régional d’Ile de France des Vieilles Tiges et Grand maître de la Popote des ailes…
Au mois de novembre 2016, un peu tard dans la saison, nous nous sommes retrouvés à Bourron-Marlotte, avec quelques amis, pour une cueillette de champignons. Ce n’était pas notre coup d’essai, c’était devenu un rituel de l’automne.
Arrivés le matin, nous avons ramassé quelques beaux spécimens et avons fait un excellent déjeuner…

térasse Sur invitation de René, partant vers Montpellier, Anne-Marie et moi sommes restés jusqu’au lendemain matin pou gagner deux heures de route.
C’est un des derniers moments que j’ai pu passer avec René. Nous nous sommes revus, à notre retour, et nous avons même dîné un soir, avec mon épouse, dans un petit restaurant de Neuilly.
Il avait insisté pour ce dîner et nous n’avons pas bien réalisé qu’il était très anxieux, qu’il essayait de se rassurer et de rassurer ses amis en affichant un optimisme, qu’en fait, il n’avait plus...
Quelques jours après, il était hospitalisé à cause de cette hémorragie qui a entrainé l’issue fatale…
En dehors de nos activités dans les associations que nous fréquentions et des conversations sur les sujets propres à ces associations (Défense, aéronautique, espace, actions humanitaires liées à l'aéronautique etc.), nous avons eu quelques entretiens plus personnels. Il se posait beaucoup de questions d’ordre métaphysique, il avait quelques pistes de réponse et quelques convictions profondes, mais il était, me semble-t-il, toujours en recherche. Sans être secret, ce côté de sa personne était réservé aux initiés.
Certains de ses amis pourront en témoigner mieux que moi.

Ton Dernier Vol, René !

drapeaux Ton ami, Pierre Chanoine-Martiel, Président d’Honneur Emérite de la S.E.P. que tu as connu à Air France et pour qui tu avais la plus grande estime et le plus grand respect, aurait souhaité que, pour ton dernier envol, les Honneurs Militaires te soient rendus. La période ne s’y prête malheureusement pas.
Si le lieu choisi pour la cérémonie n’avait pas le faste de Saint-Louis des Invalides, où tu as si souvent été présent pour un dernier hommage à des amis disparus, qu’importe, puisque tous tes amis, représentant toutes les associations : l’A.N.O.R.A.A., la S.E.P., les AILES BRISEES, le TOMATO, L’AERO-CLUB de FRANCE, les VIEILLES TIGES, les ANCIENS COMBATTANTS, la POPOTE des AILES et les anciens D’AIR FRANCE et d’autres encore que je ne connais pas, étaient présents.
Deux "Anciens", des amis que tu estimais, portaient les drapeaux :
Le Commandant (H) Georges AGRISSAIS,
Commandeur de la Légion d’Honneur,
Pilote d’Hélicoptère portait le Drapeau de l’ANORAA
Le Commandant (H) Guy JARNO,
Chevalier de la Légion d’Honneur
Officier de l’Ordre National du Mérite
Officier Mécanicien Naviguant portait le drapeau du Secteur 420

Ton fils, puis ton ami, Le Général de Corps d’Armée Aérienne René PERRET, t’ont rendu un très bel hommage.
Tes camarades en "bleu", qui ont œuvré comme toi dans la réserve opérationnelle de l'Armée de l’Air et n’ont pas oublié que tu étais, depuis longtemps, membre du Comité National de l’ANORAA, sont venus en uniforme pour te rendre un dernier hommage.

BON VOL, RENÉ !

drapeaux

Ton ami, René Arléry

Rédacteur à la S.E.P.

La tribune du progrès : N°61 Juillet 2017